SP2.1 : Les caractéristiques de la mobilité sociale en France
SOCIOLOGIE ET SCIENCE POLITIQUE
SP2 : CARACTERISTIQUES ET FACTEURS DE LA MOBILITE SOCIALE
SP2.1 : LES CARACTERISTIQUES DE LA MOBILITE SOCIALE EN FRANCE
Questionnements |
Objectifs d’apprentissage |
Quelle est l’action de l’École sur les destins individuels et sur l’évolution de la société ? |
-Savoir distinguer la mobilité sociale intergénérationnelle des autres formes de mobilité (géographique, professionnelle). SP311
-Comprendre les principes de construction, les intérêts et les limites des tables de mobilité comme instrument de mesure de la mobilité sociale. SP311
-Comprendre que la mobilité observée comporte une composante structurelle (mobilité structurelle);comprendre que la mobilité peut aussi se mesurer de manière relative indépendamment des différences de structure entre origine et position sociales (fluidité sociale) et qu’une société plus mobile n’est pas nécessairement une société plus fluide. SP312
-À partir de la lecture des tables de mobilité, être capable de mettre en évidence des situations de mobilité ascendante, de reproduction sociale et de déclassement, et de retrouver les spécificités de la mobilité sociale des hommes et de celles des femmes. SP312
1 semaine (6 heures) |
SP211 : EVALUER LA MOBILITE SOCIALE EN FRANCE
-Savoir distinguer la mobilité sociale intergénérationnelle des autres formes de mobilité (géographique, professionnelle). A)
-Comprendre les principes de construction, les intérêts et les limites des tables de mobilité comme instrument de mesure de la mobilité sociale. B)
2h
A) Qu'est-ce qui distingue la mobilité sociale intergénérationnelle des autres formes de mobilité ?
On parle de mobilité sociale* quand un individu se déplace dans la structure sociale.
Les sciences sociales reconnaissent plusieurs types de mobilités.
On peut citer la mobilité géographique* qui désigne les mouvements géographiques d’un individu ou d’un groupe social : d'une part, la mobilité résidentielle correspond à un changement de résidence principale au sein d'un même pays, en général entre deux recensements ; d'autre part, les migrations désignent un changement de pays de résidence ; enfin la mobilité quotidienne désigne les déplacements effectués dans la journée.
On peut citer aussi les études sur la mobilité professionnelle* qui décrivent les parcours individuels comme une succession d'états caractérisés par les indicateurs d'activité (emploi, chômage, inactivité) ou de professions (catégories socioprofessionnelles).
L'emploi étant une dimension structurante du statut social, on peut caractériser le statut d'une personne par sa profession actuelle, appelée position sociale, et par celle de ses (ou son) parent(s), appelée origine sociale. Lorsque la position et l'origine sociale sont identiques, on parle de reproduction sociale ; sinon, l'individu est en mobilité sociale.
Celle-ci peut être de trois types : d'une part, elle peut correspondre à une amélioration du statut social, il s'agit alors d'une promotion sociale ou mobilité ascendante ; d'autre part, elle peut signifier une perte de statut, on parle alors de démotion sociale ou mobilité descendante ; enfin, l'individu peut avoir une profession différente de ses parents mais un statut équivalent, on parle de mobilité horizontale.
Les sociologues étudient également la mobilité sociale en fonction de l’âge. On distinguera la mobilité sociale intra et intergénérationelle.
La mobilité intergénérationnelle* désigne « le déplacement d'un individu ou d'un groupe dans la hiérarchie sociale entre deux générations » (ex : un fils d'O devient C). La mobilité intragénérationnelle désigne « le passage d'un individu ou d'un groupe d'une catégorie sociale à une autre au cours d'une génération » (ex : un Agriculteur quitte son activité pour devenir cadre d'une entreprise agro-alimentaire).
NB : Alors que la mobilité INTERGENERATIONNELLE s'intéresse plutôt aux déplacements des individus dans la hiérarchie sociale entre 2 générations, les autres formes de mobilité désignent plutôt les mouvements d'un individu au cours de son parcours professionnel.
B) Quels sont les principes de construction, les intérêts et les limites des tables de mobilité comme instrument de mesure de la mobilité sociale ?
On étudie la mobilité intergénérationnelle à l'aide de tables de mobilité construites par l'INSEE.
L'INSEE interroge les hommes français de naissance, actifs ou anciens actifs et âgés de 40 à 59 ans (champ).
La construction de cet échantillon aboutit à 6,912 millions de personnes auxquelles on pose 2 questions : "quelle est votre profession ? " et "quelle était la profession de votre père ?"
En regroupant les professions en 6 PCS d'actifs, l'INSEE peut construire un tableau à double entrée : par convention, on place la PCS des fils en ligne et celle des pères en colonne
(ATTENTION : il existe des tables qui inverse les 2 entrées).
On obtient la "table des effectifs en milliers de personnes" :
DOCUMENT A : Table des effectifs en milliers de personnes
Source : Enquête emploi, INSEE, 2015
Lectures :
- En 2015, selon l'INSEE, il y avait 187 000 agriculteurs âgés de 40 à 59 ans et dont le père était agriculteur.
- En 2015, selon l'INSEE, il y avait 730 000 hommes artisans- commerçant âgés de 40 à 59 ans (quel que soit la PCS du père).
- En 2015, selon l'INSEE, il y avait 930 000 hommes âgés de 40 à 59 ans dont le père était cadre (quel que soit la PCS des fils).
=> Quel est l'intérêt de cet outil ?
L'intérêt des tables de mobilité est de quantifier la mobilité sociale en comparant la position sociale des pères avec celle des fils (« tels père tels fils ? »).
Cet outil travaille à partir d'actifs suffisamment âgés pour s'assurer de la stabilité de leur parcours professionnel (entre 40 et 59 ans).
En général, on utilise des tables pères-fils car le parcours professionnel des fils semble plus significatif quant à la mobilité sociale, même si cette hypothèse tend à être contestable depuis la féminisation des emplois. Il existe d'ailleurs des tables de mobilité travaillant sur le parcours des filles
=> Quels sont les limites de cet outil ?
Les tables de mobilité sociale, du fait même de leur construction, révèlent un certain nombre d'imperfections :
- Elles ne prennent en compte que les hommes de 40 à 59 ans au moment de l'enquête. Cela peut se justifier dans la mesure où les femmes des générations précédentes étaient plus souvent inactives, et si l'on considère que le statut atteint entre 40 et 59 ans est le statut définitif. Les résultats obtenus restent donc assez partiels (…).
- Lors des enquêtes, on demande aux fils le métier de leur père au même âge. Certains métiers ont disparu ou ne correspondent plus vraiment à leur forme moderne.
- Enfin, le choix du niveau de décomposition retenu peut avoir une influence sur les résultats : plus les catégories retenues sont nombreuses, plus les mouvements entre ces catégories sont importants. Au contraire, si l'on retient un découpage en un petit nombre de grandes catégories, les mouvements observés seront réduits.
Source : Manuel TES, Magnard, 2003
SP212 : INTERPRETER LES TABLES DE MOBILITE
-Comprendre que la mobilité observée comporte une composante structurelle (mobilité structurelle); comprendre que la mobilité peut aussi se mesurer de manière relative indépendamment des différences de structure entre origine et position sociales (fluidité sociale) et qu’une société plus mobile n’est pas nécessairement une société plus fluide. B)
-À partir de la lecture des tables de mobilité, être capable de mettre en évidence des situations de mobilité ascendante, de reproduction sociale et de déclassement, A)
- et de retrouver les spécificités de la mobilité sociale des hommes et de celles des femmes. C)
4h
A) Mettez en évidence des situations de mobilité ascendante, de reproduction sociale et de déclassement
=> Que nous apprend l'étude de ces tables ?
Pour les rendre plus lisibles et exploitables, il est utile de transformer les données des tables de mobilité en pourcentages.
Selon le choix du calcul, on peut obtenir 3 tables différentes (B, C et D) : en effectifs en pourcentage, en table de destinées (que deviennent les fils de … ?) et de recrutement (que faisait les pères des … ?), ce qui permet d'affiner l'observation statistique.
Selon le choix du calcul, les tables transformées en pourcentage nous apprennent des choses différentes mais complémentaires !
DOCUMENT B : Tables de mobilité (effectifs en pourcentage)
Questions :
1) Transformez en pourcentage la première de données de la table A relativement au total (6912).
2) Donnez la signification de ce calcul. Illustrez votre réponse par un chiffre.
3) Pourquoi les chiffres de la diagonale de la table A sont-ils particulièrement intéressants ? Transformez-les relativement au total (6912). A quoi correspond le résultat obtenu ?
4) Que nous apprend ce total quant à la mobilité sociale en France ?
DOCUMENT C : Tables de recrutement (effectifs en pourcentage)
Pour construire cette table, les effectifs en milliers de chaque ligne sont rapportés au total de la ligne.
Par exemple, 187 est rapporté à 222 soit 187/222 = 0,841 soit 84,1%
Lecture : En 2015, selon l'INSEE, 84% des agriculteurs avaient un père agriculteur.
Cette table permet donc de savoir dans quelles PCS les membres d'une PCS donnée ont été récrutés ? Quelle est leur origine sociale ?
Questions :
1) Comment a-t-on obtenu le chiffre 8,7% ? Que signifie-t-il ?
2) Pourquoi la colonne ensemble ne comporte que des 100% ?
3) Que signifie les chiffres de la ligne ensemble ?
4) À partir de la lecture des tables de mobilité, mettez en évidence des situations de mobilité ascendante, de reproduction sociale et de déclassement.
On parlera de déclassement* social pour désigner le fait qu'un individu ou un groupe d'individus ne peut plus occuper la ou les positions sociales qu'il ou ils occupaient avant d'être déclassés. Dans le cadre de la mobilité sociale, cela signifierait que les enfants d'une catégorie socio-professionnelles données ne pourraient bénéficier des avancées économiques et sociales qu'ont connues leurs aînés.
DOCUMENT D : Tables de destinée (effectifs en pourcentage)
Pour construire cette table, les effectifs en milliers de chaque colonne sont rapportés au total de la colonne.
Par exemple, 187 est rapporté à 781 soit 187/781 = 0,266 soit 26,6%
Lecture : En 2015, selon l'INSEE, 27% des pères agriculteurs ont un fils qui est devenu agriculteur.
Cette table permet donc de savoir ce que sont devenus les fils des membres d'une PCS donnée ? Quelle est leur destinée sociale ?
On obtient la table suivante :
Questions :
1) Comment a-t-on obtenu le chiffre 48,2% ? Que signifie-t-il ?
2) Pourquoi la ligne ensemble ne comporte que des 100% ?
3) Que signifie les chiffres de la colonne ensemble ?
4) À partir de la lecture des tables de mobilité, mettez en évidence des situations de mobilité ascendante, de reproduction sociale et de déclassement.
Tables de mobilité Lecture, construction, critique
SP2 ANNEXE 1 : Les tables de mobilité 2015
SP2 ANNEXE 2 : Etude des tables de mobilité 2015
B) Quelle est la composante structurelle de la mobilité observée ?
Montrez qu’une société plus mobile n’est pas nécessairement une société plus fluide.
Comprendre que la mobilité observée comporte une composante structurelle (mobilité structurelle); comprendre que la mobilité peut aussi se mesurer de manière relative indépendamment des différences de structure entre origine et position sociales (fluidité sociale) et qu’une société plus mobile n’est pas nécessairement une société plus fluide.
Les phénomènes de mobilité sociale doivent être étudiés selon 2 points de vue différents et complémentaires :
La mobilité observée*, mesure la mobilité sociale totale dans une population. Cette mesure se fait à partir de tables de mobilité qui croise la position d'un enquêté (le « fils ») avec celle de son père. On obtient la mobilité observée en calculant la proportion de fils qui n'ont pas la même position sociale que leur père.
La fluidité sociale* étudie la force du lien entre l'origine et la position sociale des individus, indépendamment de l'évolution de la distribution socioprofessionnelle entre la génération des fils et celle des pères. Par exemple, on cherchera à comparer les chances de devenir cadre plutôt qu'ouvrier des fils de cadres et des fils d'ouvrier. Plus ces chances sont importantes et plus la société est fluide socialement (voir ANNEXE 2 pour exemple en calcul).
SP3 ANNEXE 2 : Etude des tables de mobilité 2015
Distinguer ces 2 notions ?
Les 2 notions sont des évaluations statistiques calculées à partir des données des tables de mobilité de l'INSEE et permettant de mesure l'état de la mobilité sociale en France (ressemblances).
Mais si la notion de mobilité observée est globale et quantitative puisqu'elle mesure la mobilité pour l'ensemble de la population étudiée, toutes PCS comprises, la fluidité sociale permet d'affiner ce constat général en comparant les chances de mobilité pour certaines PCS ; par exemple, les fils de cadres comparés aux fils d'ouvriers (différences).
Il y a en effet un biais possible dans l’analyse de la mobilité observée. Elle est indifférente à la transformation des structures socioprofessionnelles entre les générations. Par exemple, entre les pères et les fils, certains emplois sont en déclin dans certains PCS (agriculteurs et ouvriers) quand d’autres progressent significativement (cadres, PI et employés). Il y a donc un « appel d’air » au profit de certaines catégories qui, même si elles étaient parfaitement fermées (tous les fils de … prennent les places laissées par les pères), auraient néanmoins besoin de recruter dans les autres PCS. Il y a donc une mobilité structurelle* qui ouvre des possibilités de mobilité dans les PCS qui se développent.
La mobilité structurelle* est la part des individus qui se sont déplacés par le fait de l’évolution de la structure socioprofessionnelle. Si entre la génération des pères et des fils, il y a moins d'agriculteurs, les fils d’agriculteurs devront exercer une autre profession (« chaines musicales »).
La mobilité nette est la différence entre ces 2 mobilité (MN = MO - MS) et désigne la part des individus qui se sont déplacés par leur propre initiative, notamment grâce à leur parcours scolaire et/ou professionnel.
DOCUMENT 1 : Evolution de la mobilité structurelle et nette en France (INSEE)
La mobilité nette est la différence entre ces 2 mobilité (MN = MO - MS) et désigne la part des individus qui se sont déplacés par leur propre initiative, notamment grâce à leur parcours scolaire et/ou professionnel.
Mobilité observée, mobilité structurelle et fluidité sociale
On comprend un paradoxe possible quant à la mobilité sociale : la société peut être mobile grâce notamment à la mobilité structurelle mais peu fluide. Bien que l’évolution des structures permette des déplacements dans les positions sociales, les chances de parvenir aux positions valorisées restent faibles pour certaines catégories.
Par exemple en 2003, il y a plus de mobilité totale qu’en 1993 (67,7% contre 65,3%) mais la mobilité nette recule (40% contre 43%) : la société est plus mobile en 2003 mais cette mobilité est plus le fait des évolutions structurelles que d’une véritable fluidité sociale. C’est l’inverse si on compare 2012 à 2003.
C) Quelles sont les spécificités de la mobilité sociale des hommes et de celles des femmes ?
En 2015, 65 % des hommes âgés de 35 à 59 ans relèvent d’une catégorie socioprofessionnelle différente de celle de leur père, une proportion quasi stable depuis quarante ans. 28 % des hommes occupent une position sociale plus élevée que celle de leur père et 15 % une position inférieure. Les trajectoires ascendantes comme descendantes sont plus fréquentes qu’en 1977 (respectivement 24 % et 7 %).
En 2015, 71 % des femmes âgées de 35 à 59 ans relèvent d’une catégorie socioprofessionnelle différente de celle de leur mère, soit 12 points de plus qu’en 1977. 40 % des femmes occupent une position sociale plus élevée que celle de leur mère et 12 % une position plus basse. Leurs trajectoires sont donc globalement plus favorables que celles des hommes comparés à leur père. Cependant, si les femmes occupent fréquemment une position sociale plus élevée que leur mère, cela n’est toujours pas le cas par rapport à leur père : 25 % des femmes ont connu une trajectoire descendante par rapport à leur père et 22 % un parcours ascendant.
La mobilité intergénérationnelle est plus favorable pour les femmes que pour les hommes. Cela s'explique en grande partie par le niveau socioprofessionnel des mères nettement inférieur à celui des pères. Les mouvements ascendants sont en effet d’autant plus fréquents que le parent occupe une position basse dans l’échelle sociale.
Si la mobilité verticale des femmes par rapport à leur mère est majoritairement ascendante, elle est au contraire plus souvent descendante par rapport à leur père. En 2015, 25 % des femmes âgées de 35 à 59 ans occupent une position sociale inférieure à celle de leur père (contre 12 % des femmes comparées à leur mère), alors que 22 % ont connu une trajectoire ascendante (contre 40 %).
Extraits de : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3733096
DOCUMENT 2 : Décomposition de la mobilité sociale observée des femmes par rapport à leur mère, de 1977 à 2015
Lecture : en 2015, 71 % des femmes françaises âgées de 35 à 59 ans, actives ayant un emploi ou anciennes actives occupées, relèvent d’une catégorie socioprofessionnelle différente de celle de leur mère. 35 % de cette mobilité sociale observée est lié à l’évolution structurelle des emplois entre la génération des femmes et celle de leur mère. Par rapport à leur mère, 40 % des femmes ont connu une trajectoire de mobilité ascendante et 12 % une trajectoire de mobilité descendante.
Champ : France métropolitaine, femmes françaises actives occupées ou anciennes actives occupées, âgées de 35 à 59 ans au 31 décembre de l’année d’enquête.
Source : Insee, enquêtes Formation et qualification professionnelle 1977, 1985, 1993, 2003 et 2014-2015.
DOCUMENT 3 : Décomposition de la mobilité sociale observée des femmes par rapport à leur père, de 1977 à 2015
https://www.insee.fr/fr/statistiques/graphique/3733096/tab6.png
Lecture : en 2015, 7 % des filles d'agriculteurs exploitants exercent elles-mêmes cette profession, 12 % sont cadres et 34 % sont devenues employées ou ouvrières qualifiées.
Champ : France métropolitaine, femmes françaises actives occupées ou anciennes actives occupées, âgées de 35 à 59 ans au 31 décembre de l’année d’enquête.
Source : Insee, enquête Formation et qualification professionnelle 2014-2015.