SP3.2 : Les mutations du travail
SOCIOLOGIE ET SCIENCE POLITIQUE
SP3 : LES MUTATIONS DE L’EMPLOI ET DU TRAVAIL
SP3.2 : LES MUTATIONS DU TRAVAIL
Questionnements |
Objectifs d’apprentissage |
Quelles mutations du travail et de l’emploi ? |
- Comprendre les principales caractéristiques des modèles d’organisation taylorien (division du travail horizontale et verticale, relation hiérarchique stricte) et post-taylorien (flexibilité, recomposition des tâches, management participatif);comprendre les effets positifs et négatifs de l’évolution des formes de l’organisation du travail sur les conditions de travail. SP321
- Comprendre comment le numérique brouille les frontières du travail (télétravail, travail/hors travail), transforme les relations d’emploi et accroît les risques de polarisation des emplois. SP322
- Comprendre que le travail est source d’intégration sociale et que certaines évolutions de l’emploi (précarisation, taux persistant de chômage élevé, polarisation de la qualité des emplois) peuvent affaiblir ce pouvoir intégrateur. SP323
9 heures |
SP321 : L’EVOLUTION DES FORMES DE L’ORGANISATION DU TRAVAIL
Comprendre les principales caractéristiques des modèles d’organisation taylorien (division du travail horizontale et verticale, relation hiérarchique stricte) (A) et post-taylorien (flexibilité, recomposition des tâches, management participatif) (B); comprendre les effets positifs et négatifs de l’évolution des formes de l’organisation du travail sur les conditions de travail (C).
4h
A) Quelles sont les caractéristiques des modèles tayloriens d’organisation du travail ?
Division du travail horizontale et verticale, relation hiérarchique stricte
DOCUMENT 6 : Chaplin chez Ford (Modern times, 1936)
https://www.youtube.com/watch?v=RCU6y1Ps-eA&ab_channel=CharlieChaplin
(ouverture)
https://www.youtube.com/watch?v=MRFyJHHFr4A (pause)
Questions :
1) Décrivez les actions des acteurs suivants : chef d’entreprise, contre-maîtres, ouvriers.
2) Comment justifiez cette organisation ?
3) Quelles en sont les conséquences ?
https://www.youtube.com/watch?v=n_1apYo6-Ow (eating machine)
L’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor (1856-1915) introduit à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle une nouvelle méthode d’Organisation Scientifique du Travail (OST) qui porte son nom (The Principles of scientific management,1911).
Le but du taylorisme* étant d’augmenter le rendement et la productivité de ses employés en optimisant les temps de production, les déplacements des salariés et la gestion de leur temps de travail.
Après avoir étudié plusieurs des meilleurs ouvriers, Taylor a développé sa méthode en : décomposant les gestes en mouvements élémentaires, où réfléchir n’est pas nécessaire pour exécuter les tâches ; chronométrant chaque mouvement et en les enregistrant dans une table de temps. Ainsi, à chaque mouvement correspond un temps de base défini.
Le taylorisme repose sur une double division du travail :
- Une division verticale : Il s’agit de séparer les tâches de conception du travail et de formation de celles de l’exécution. Ainsi les ingénieurs pensent le travail et les ouvriers doivent l’exécuter conformément aux instructions et à la formation que les premiers leur fournissent. Il y a donc une séparation du travail entre direction et exécution (One best way) : les relations hiérarchiques sont strictes et centralisées entre les « cols blancs » (ingénieurs qui organisent la production) et « cols bleus » (ouvriers qui exécutent).
- Une division horizontale : Le processus de production d’un bien est décomposé en une suite de tâches simples confiées chacune à un ouvrier spécialisé dans une de ces tâches (« parcellisation des tâches »).
Si cette méthode a prouvé son efficacité pour ses gains de productivité, elle a également subi de nombreuses critiques, notamment pour le fait qu’elle soit éprouvante et démotivante.
Le Fordisme* désigne le mode d’organisation du travail mis en place par l’industriel américain Henry Ford (1863-1947) dans ses usines d’automobiles de Détroit, notamment pour la production de la Ford T, à partir de 1915.
Ce modèle est un prolongement du taylorisme : il accorde une large place à la mise en œuvre des nouveaux principes instaurés par le Taylorisme en y ajoutant notamment le travail des ouvriers sur des chaînes de montage (avec le fameux tapis roulant ou « convoyeur »), dictant le rythme aux ouvriers. Il participe également de l’OST.
OST et Fordisme : https://www.youtube.com/watch?v=hROMDbkCeoU
Les conséquences sont une hausse de la production et de la productivité, une baisse du coût de production (par des économies d’échelle et des effets de synergie), un meilleur contrôle du travail ouvrier, devenu répétitif et monotone, par la direction, et une standardisation de la production dans le but de favoriser une consommation de masse.
Le Fordisme a également montré ses limites dans la réponse aux besoins de diversification de la production et face à la concurrence des pays asiatiques en étant incapable de produire des modèles différents qui répondent mieux aux besoins des consommateurs. Une autre conséquence de cette organisation du travail est la surproduction, où les produits fabriqués en masse ne trouvent pas toujours preneurs.
C’est pour dépasser les limites économiques et humaines de l’OST que vont apparaître des novelles organisations du travail (NFOT) reposant sur des principes post-tayloriens.
B) Quelles sont les caractéristiques des modèles post-tayloriens ?
flexibilité, recomposition des tâches, management participatif
A l’horizon de la crise des 30 glorieuses, on assiste à une remise en cause des principes tayloro-fordiens :
- Sur le plan économique, la demande se détourne de produits standardisés produits en masse au profit de produits plus diversifiés et qualitatifs.
- Sur le plan humain, l’augmentation du niveau de qualification des travailleurs s’accommode mal des principes de l’OST.
Il faut donc dépasser ces barrières au profit de NFOT post-tayloriennes :
- La recherche de flexibilité : Dans l’OST, la chaîne est rigide mais faillible. Un maillon défaillant et c’est toute la production qui est stoppée. De plus, on produit de manière standardisée une quantité donnée par jour et la prise en compte de la demande (en quantité et qualité) est faible. Cette façon de produire semble obsolète dans un contexte de plus en plus mondialisé dans lequel la demande varie fortement. Il faut que l’organisation soit plus réactive à son environnement économique ; il faut introduire de la flexibilité dans la chaîne de production. Ce sont ces principes qui vont guider le toyotisme initié par Taiichi Ono. Le Toyotisme est aussi appelé Ohnisme ou encore post-Taylorisme.
Dans le toyotisme, la production est pilotée par la demande et fonctionne en flux tendu (“juste-à-temps”) : ce sont les demandes des clients qui déterminent la production et son rythme.
Le déploiement du Toyotisme a pris plusieurs dizaines d’années au Japon. Certains de ses principes ont été mis en place ensuite dans les plus grandes multinationales industrielles : Le juste-à-temps ( système de production qui vise à synchroniser et à ajuster exactement le flux et le nombre des pièces avec le rythme de montage) et le kanban (système d’étiquettes de papier qui indique le nombre de pièces à produire ou à livrer, en évitant ainsi toute production excédentaire). Cette organisation permet de réagir à la demande en ne produisant que ce qui est nécessaire et adapté aux commandes.
La recherche de la qualité est privilégiée tout au long de la chaîne de production. La lutte contre le gaspillage et les coûts superflus s’appuie sur l’objectif des 5 zéros : zéro défaut, zéro papier, zéro panne, zéro stock, zéro délai.
Toyota Production System – TPS : https://www.youtube.com/watch?v=CGx32aMQEE4
- La recomposition des tâches : Dans le fordisme, les tâches réalisées par les opérateurs sont répétitives et élémentaires. Elles n’engagent pas la part intellectuelle du travail humain réservé à la direction et aux ingénieurs, au point de démotiver le travailleur à la chaîne. La démotivation a un coût humain mais aussi économique : des travailleurs moins engagés dans ce qu’ils font est source de malfaçons, absentéisme, de coulage et de turn over.
Les approches post-tayloriennes de l’organisation du travail cherche à casser cette division horizontale du travail qui éloigne le travailleur de ce qu’il produit. On parle alors de recomposition des tâches : le travailleur n’est plus uniquement dévoué à une tâche élémentaire mais peut prendre plusieurs postes sur la chaîne voire s’organiser en groupes semi-autonomes dans lesquels les travailleurs se répartissent les tâches pour réaliser les objectifs de production.
- La management participatif : Dans le fordisme, il y a une séparation verticale stricte entre la direction (conception) et les opérateurs (exécution). Il n’y a qu’un « one best way » accepté dans l’entreprise et imposé aux travailleurs.
Cette approche va être contesté par le toyotisme qui considère que tous les rouages de l’entreprise doivent contribuer à améliorer l’organisation de la production. On parle de « lean management » qui casse la division verticale stricte du travail.
Les 5 axes du manager lean : https://www.youtube.com/watch?v=rsUkS2hQ4DA
Le lean management est une méthode de management qui vise l’amélioration des performances de l’entreprise par le développement de tous les employés. La méthode permet de rechercher les conditions idéales de fonctionnement en faisant travailler ensemble personnel, équipements et sites de manière à ajouter de la valeur avec le moins de gaspillage possible. Le double objectif du Lean management est la satisfaction complète des clients de l’entreprise (ce qui se traduit en chiffre d’affaires) et le succès de chacun des employés (ce qui se traduit en motivation et engagement).
Cette approche s’appuie notamment sur :
- Le kaizen : principe d’autonomisation des équipes chargées de définir les temps standards de production et de se répartir les diverses opérations de fabrication d’un produit afin de travailler plus efficacement et plus rapidement.
- Le cercle de qualité : groupe de travail composé d’opérateurs et de cadres, constitué autour des activités de kaizen, qui couvre les questions de qualité, de maintenance, de sécurité, de prix de revient…;
L'évolution des organisations vers le Lean Management :
https://www.youtube.com/watch?v=r6WXKqeQpP4
Le Toyotisme est une première réponse aux difficultés du modèle Taylorien-Fordien, grâce à sa grande réactivité face au marché. Les procédés de fabrication reposent sur une meilleure intégration des personnels, plus polyvalents et donc capables d’effectuer la conception, le dépannage et la maintenance, de même que le contrôle qualité des productions.
Sources utilisées :
https://financesindependantes.fr/taylorisme/
https://www.operaepartners.fr/la-definition-du-lean-management/
C) Quels sont les effets de l'évolution de l'organisation du travail sur les conditions de travail ?
Comprendre les effets positifs et négatifs de l’évolution des formes de l’organisation du travail sur les conditions de travail.
Si les principes tayloriens reposant sur une hiérarchie stricte entre direction et exécution semblent désormais dépassés, quel bilan peut-on tirer des NFOT quant aux conditions de travail ?
Des effets positifs :
Par la recomposition des tâches et le management participatif, les NFOT cherchent à réengager le travailleur quant au sens du travail qu’il effectue : l’appel à la polyvalence et à la participation en font des membres plus écoutés et actifs dans la production et l’organisation de l’entreprise.
Cette nouvelle forme d'organisation du travail suppose une augmentation du niveau de qualification du personnel au regard de l’enrichissement de tâches et de la capacité à proposer ou intégrer l’innovation.
Les NFOT et le toyotisme en particulier permettent donc une requalification du travail qui doit profiter à la qualité du travail dans l’entreprise.
Des effets négatifs :
Il faut néanmoins admettre que ce système a ses limites. Sa réussite repose sur l'existence d'une main-d'œuvre motivée. Les cercles de qualité ne fonctionnent que si les ouvriers adhèrent au système. D'autre part, la polyvalence nécessite un niveau de qualification élevé et des rémunérations motivantes. La requalification du travail devrait donc passée par des salaires intégrant la participation accrue des travailleurs à l’organisation.
De plus, l’autonomie et la polyvalence peuvent avoir leurs effets pervers sur les conditions de travail. En effet, la production « juste-à-temps » reposant sur la réactivité de la production à la demande peut entraîner des cadences difficiles à suivre pour les travailleurs. Ces cadences génèrent de la fatigue, du stress et des troubles musculo-squelettiques, issus de la répétition trop fréquente d'un geste.
Mais le management participatif du lean management pousse les travailleurs à une recherche de perfection permanente qui peut entraîner des burn-out. L'ouvrier donne tout ce qu'il peut pour se caler sur un standard. Et l'année d'après, on lui demande davantage, alors que ses moyens physiques, eux, baissent. L'excellence jamais atteinte et toujours exigée génère un sentiment d'impuissance, qui est lui-même générateur de dépression. La responsabilisation qu’implique la participation peut également être source de culpabilisation : les collaborateurs qui n’arrivent pas à jouer le jeu peuvent être discrédités aux yeux des autres, notamment quand les difficultés rencontrées entraînent un arrêt ou un retard de la production.
Sources utilisées :
https://www.challenges.fr/magazine/la-verite-sur-les-derives-du-toyotisme_348369
https://www.maxicours.com/se/cours/le-toyotisme/
SP322 : TRAVAIL ET NUMERIQUE
Comprendre comment le numérique brouille les frontières du travail (télétravail, travail/hors travail), transforme les relations d’emploi (A) et accroît les risques de polarisation des emplois (B).
3h
La transformation numérique, ou e-transformation ou transformation digitale, est le phénomène de mutation lié à l'essor du numérique et d'Internet. Cette notion vise à conceptualiser l'influence de ceux-ci sur les organisations.
Dans cette section, nous allons décrire les formes du travail qui émergent avec le numérique (A), avant de voir comment ces mutations modifient les relations sociales au travail (B)
A) Comment le numérique brouille-t-il les frontières du travail et transforme les relations d’emploi ?
Télétravail, travail/hors travail, relations d’emploi
La conception du travail et sa délimitation dans le temps du travailleur est un héritage du 19ème siècle et de l’émergence des fabriques (« usines »). Dès lors que le travailleur doit se déplacer sur un lieu de travail distinct de son domicile, il est possible, par le droit notamment, de délimiter ce qu’il doit faire sur ce lieu, les relations de subordination qu’il doit entretenir et les temps de travail calculés sur cette localisation.
L’introduction du numérique tend à brouiller les frontières du travail dès lors qu’on introduit le « telétravail ».
Le télétravail* est une activité professionnelle effectuée en tout ou partie à distance du lieu où le résultat du travail est attendu grâce à l’utilisation d’outils numériques notamment.
Le télétravail peut s'effectuer depuis le domicile, un télécentre, un bureau satellite ou de manière nomade (lieux de travail différents selon l'activité à réaliser), dans le cadre du travail salarié, mais aussi depuis des espaces de travail partagés (coworking), dans le cadre du télétravail indépendant (Article Wikipédia).
La crise du Covid19 et le confinement qui en a résulté a montré l’intérêt du télétravail en permettant de maintenir une activité professionnelle sans que le salarié ait à se déplacer.
Pandémie de Covid-19 en France : le télétravail, véritable découverte du confinement : https://www.youtube.com/watch?v=hhwVcRD4f10
On peut y trouver des avantages :
- pour le salarié : autonomie et libre gestion du temps, gain de déplacement, moins de stress, environnement de travail individualisé, gain de temps au profit d’autres activité, …
- pour l’employeur : des relations au travail moins stressantes et conflictuelles, gain en coût immobilier et frais d’entretien, réduction de l’absentéisme, moindre coût de transport, moins d’obligations liées à la présence des salariés.
Mais il existe également des risques :
- pour le salarié : risque d’isolement, perte de sens du métier, dilution de la motivation, question de la valorisation du travail (promotion, augmentation, etc …), risque d’envahissement du travail (la relation travail/hors travail devient plus floue, notamment relativement à la vie privée ou familiale)
- pour l’employeur : coût des équipements numériques et maintenance, perte de contrôle sur le travail, recul de l’identification à l’entreprise, perte des avantages du travail en équipes, …
Le télétravail permet-il d'améliorer les conditions de travail des cadres ?
https://www.youtube.com/watch?v=1SrR5inRnkM
Le recours au télétravail et au numérique en général modifie les relations sociales au travail, c’est-à-dire toutes les interactions qu’entretiennent les individus dans le collectif de travail : synergie, compétition, amitiés, entraides, échanges d’informations, complémentarité des tâches, … pour les interactions positives.
Si chacun est « délocalisé » par le numérique, toutes ces interactions se réduisent voire s’effacent, ce qui contribue à éloigner le salarié de son entreprise, des valeurs qu’elles incarnent et du sens de l’emploi.
Parmi ces interactions, il faut distinguer les relations d’emploi*, c’est-à-dire l’ensemble des relations entre l’employeur et l’employé. Que change l’introduction du numérique ?
Quand le salarié est localisé sur le lieu de travail, il est sous le contrôle direct de sa hiérarchie. Il est possible d’évaluer directement le salarié : ses résultats, ses attitudes, ses compétences. C’est dans ce cadre que l’employeur peut construire une carrière pour le salarié : évolution des rémunérations, plan de formation, promotion, …
Ce lien direct s’estompe dans le cadre d’une « délocalisation numérique » de type télétravail. Comment se doter de moyens d’évaluations nouveaux pour contrôler mais aussi construire la relation du salarié à l’entreprise ou au travail ?
https://www.youtube.com/watch?v=z9OpWQnohZk
B) Pourquoi le numérique accroît-il les risques de polarisation des emplois ?
Qu'est ce que la "polarisation" des emplois ?
https://www.youtube.com/watch?v=54GfCjfLIDI
La polarisation des emplois* renvoie à l’accroissement simultané de la part des métiers les plus qualifiés et de celle des moins qualifiés au détriment de la part des emplois « intermédiaires ». Comment le développement du numérique influence-t-elle cette polarisation ?
Les outils numériques ne sont pas adaptables à n’importe quel contexte. Par exemple, au moment du confinement, on a constaté que le télétravail avait été plus développé chez les cadres que dans les métiers d’exécution.
Dans un ouvrage* paru en mars, deux économistes du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap) ont étudié les variations de la structure de l'emploi en France entre 1994 et 2013 à partir des données annuelles déclarées par les entreprises sur leurs salariés. Leur conclusion est sans appel : les emplois à salaire intermédiaire (techniciens de niveau intermédiaire, ouvriers qualifiés et employés de bureau) ont reculé au profit des emplois à bas salaire, souvent dans les services, et des emplois à haute rémunération (notamment les travailleurs formés aux technologies qui possèdent des compétences dans le domaine des sciences, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques, surnommés « techies »).
https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/les-nouvelles-inegalites-du-travail-pourquoi-lemploi-se-polarise/
Le recours au numérique peut avoir plusieurs effets aggravants sur la polarisation des emplois :
- le numérique contribue à faire disparaître certains emplois au profit d’emplois plus qualifiés (cf « destruction créatrice ») et notamment les métiers « routiniers » qui peuvent être remplacés par des machines.
- l’économie numérique crée principalement deux catégories d’emplois : d’une part, des emplois bien rémunérés, à dimension managériale ou créative, requérant une qualification élevée ; d’autre part, des emplois peu qualifiés et non routiniers, largement concentrés dans les services à la personne, qui sont peu rémunérés car leur productivité reste faible. On peut aussi évoquer les emplois dans l’hôtellerie, la livraison ou le transport.
Dessine-moi l'éco : L'ubérisation est-elle une chance pour l'économie ?
https://www.youtube.com/watch?v=5isAcquYnHQ
Source utilisée :
http://www.emploiparlonsnet.pole-emploi.org/articles/le-numerique-polarise-le-monde-du-travail/
SP323 : TRAVAIL ET INTEGRATION SOCIALE
Comprendre que le travail est source d’intégration sociale (A) et que certaines évolutions de l’emploi (précarisation, taux persistant de chômage élevé, polarisation de la qualité des emplois) peuvent affaiblir ce pouvoir intégrateur (B).
2h
Les 2 sections forment une forme de discussion dont le sujet de dissertation serait : « Dans quelle mesure le travail contribue-t-il à l’intégration sociale ? »
Cette problématique appelle une réponse nuancée en : A-OUI / B-MAIS
Dans quelle mesure le travail contribue-t-il à l’intégration sociale ?
A) Le travail est source d’intégration sociale (OUI)
Le lien social désigne « l'ensemble des éléments qui relient les membres d'une société les uns par rapport aux autres. Ils permettent de construire une identité collective assez concrète dans laquelle se reconnaissent les membres de la société. Les individus ont le sentiment d'appartenir à cette collectivité ».
Le lien social ne va pas de soi ; il faut le construire, c'est-à-dire trouver des mécanismes et des institutions qui permettent à chaque individu de s'intégrer.
L'intégration sociale* « désigne le fait pour un individu d'acquérir et d'intérioriser les signes de l'appartenance à une société tout en conservant certaines spécificités individuelles (=><=assimilation) ».
S'intégrer, c'est trouver sa place dans le lien social : l'intégration consiste donc en une éducation individuelle et collective (la socialisation).
Dire que le travail contribue à l'intégration sociale, c'est affirmer que nous trouvons une place dans la société, notamment par une activité professionnelle et le statut qu’elle comporte.
On peut repérer un triple rôle du travail quant à l'intégration sociale :
- Un rôle économique : Grâce à la spécialisation, chacun peut trouver une fonction à remplir selon ses compétences. Contrairement aux sociétés à ordres, les positions économiques et sociales dans les sociétés démocratiques modernes à économie de marché résultent en théorie des mérites individuels (méritocratie). Dès lors, le travail devient la principale source de revenu pour les individus, et non plus les rentes foncières ou patrimoniales. Ce sont essentiellement les revenus du travail qui détermine le niveau de vie, donc le niveau de consommation d'un individu. La division du travail permet de spécialiser les tâches professionnelles et de les hiérarchiser selon une logique de compétence et de productivité. Cette hiérarchie professionnelle influence fortement le statut des individus dans la société notamment via le prestige qui la soutient (cf Weber).
- Un rôle social : Le travail donne un statut social plus ou moins valorisé (salaire, droits à la protection sociale, avantages professionnels, ...) De plus, Le travail est source de relations sociales, propres au monde du travail. Enfin, le travail joue un rôle psychosociologique important car il permet à chacun de se sentir utile et reconnu (par rapport à soi et aux autres).
- Un rôle politique : Ce rôle est une synthèse des autres rôles. En effet, on peut faire statistiquement un lien entre stabilité professionnelle et participation politique. Le regard porté sur la vie politique évolue suivant le statut professionnel : sentiment d'injustice ou d'abandon, sentiment d'inutilité, … Ce rôle est illustré par la montée de l'abstention et des votes extrêmes, liée au développement de la précarité et du chômage.
DOCUMENT 7 : L’épreuve du chômage
« J'ai fait de la vente sur les marchés. J'avais toujours des contacts, du contact avec les gens, c'était ouvert quoi, ça n'est pas quelque chose où l'on est seul, parce que déjà j'en souffre en étant au chômage d'être toujours seule toute la journée, alors j'aimerais trouver un travail où j'aie des contacts avec des personnes (...). Une fois que j'aurais du travail eh bien je vous assure que même si je suis fatiguée le soir, en rentrant du travail, ou n'importe quoi, eh bien je saurais l'apprécier de travailler...(...) Je suis seule, alors je n'ai pas d'amies, ça fait 7 mois que j'habite ici mais je connais pas la voisine, je ne connais absolument personne, eh bien c'est dur hein, alors aussi bien au point de vue financier que moral eh bien c'est dur d'être au chômage hein (...) Alors quand on est tous ensemble, chacun parle de son travail et tout... et puis moi bien bon ... je me sens... je me sens en dehors de la société mais alors ça carrément ! Voyez : je suis là bon, je fais la cuisine pour quand mon mari arrive, il se met à table et tout, on va se coucher le soir, alors là non hein vraiment, le chômage c'est quelque chose de mortel, hein mortel (...). Alors les gens vous demandent : qu'est-ce que vous faites ? enfin quand on voit des gens... : qu'est-ce que vous faites ? bon ben moi je suis au chômage, bon ... alors les gens vous regardent, ils ne savent pas si vous êtes au chômage parce que ... bon ben celle-là, elle est fainéante, on dit qu'elle est au chômage, mais elle ne cherche pas. »
F., 19 ans, mariée sans enfants, aide-soignante, B.E.P.C.
L'épreuve du chômage, SCHNAPPER Dominique, 1994.
Questions :
1) Présenter le document.
2) Quel est l’intérêt de ce type de document ?
3) Relevez dans le texte toutes les conséquences de la perte de l’emploi.
4) Quels rôles du travail ce texte illustre-t-il ?
Dans la société française contemporaine, ce rôle clé du travail et particulièrement du travail salarié s’est affirmé au cours des « trente glorieuses » et a abouti au contrat de travail « typique » : le contrat à durée déterminée (CDI) à temps plein.
Le CDI engage tous les aspects du travail : économiquement il assure à l’entreprise une fidélité du travailleur et une stabilité de revenu pour le travailleur ; socialement, la stabilité de l’emploi voire sa sécurité permet de faire reconnaître des autres travailleurs mais aussi dans la société car il permet d’accéder aux normes de consommation ; politiquement, la stabilité engage l’individu dans le collectif de travail et de société.
Il constitue de ce fait une « norme » ou « une valeur » : ce qui est attendu du travail pour tous ses aspects pour le travailleur notamment.
Cependant, l’existence d’emplois « atypiques » questionne le lien entre travail et intégration sociale.
B) Certaines évolutions de l’emploi peuvent affaiblir son rôle intégrateur (MAIS)
Depuis une trentaine d'années, ce rôle, réaffirmé dans les discours (« valeur travail »), est remis en cause par 3 grandes évolutions du marché du travail :
1) Le chômage de masse (taux persistant de chômage élevé*) s'est installé, excluant des effets bénéfiques du travail des actifs pourtant prêts à travailler,
2) De nouvelles formes d'emplois apparaissent (« emplois précaires* » ou « atypiques ») qui remettent en cause le rôle intégrateur du travail (ex : « travailleurs pauvres »).
3) Les Nouvelles Formes d'Organisation du Travail (NFOT) qui ont modifié les exigences du travail au profit de l'autonomie et de la polyvalence entraînent une plus grande responsabilisation de travailleurs et une plus grande pression (« burn-out », TMS, suicides au travail, …). Ces NFOT peuvent contribuer à une polarisation de la qualité des emplois* (cf 422B) entre emplois qualifiés et typiques et les autres formes d'emploi.
Illustrations :
DOCUMENT 8 : Formes de l'emploi pour les 15-24 ans (en % de l'emploi total)
DOCUMENT 9 : Formes de l'emploi tous âges confondus (en % de l'emploi total)
Questions :
1) Présenter mentalement les documents 8 et 9.
2) Quelles tendances principales révèlent-ils ?
3) Comment les expliquer ?
4) Quelles en sont les conséquences pour ceux qui occupent ces types d’emplois ?
DOCUMENT 10 : Evolution du chômage en France depuis 1975
Questions :
1) Présenter le document.
2) Quelles tendances principales révèle-t-il ?
On peut questionner le rôle intégrateur du travail, d’une part quant à la question de la perte de qualité intégratrice pour certains statuts d’emploi (1) et, d’autre part, quant aux évolutions de l’emploi en lui-même (2). Dès lors, un sentiment d’insécurité économique et sociale peut se développer pour ceux qui subissent cette perte de lien avec le travail (3).
1) Le rôle intégrateur du travail est remis en cause par la précarisation de l’emploi.
La multiplication des formes particulières d’emploi, des embauches en CDD et la montrée de l’auto-entrepreneuriat ont entraîné une hausse de la précarité, fragilisant les différentes dimensions de l’intégration par le travail.
Aspects économiques : les travailleurs précaires ont souvent des revenus intermittents (alternance entre phases d’inactivité et d’emploi), ce qui les expose davantage à la pauvreté.
DOCUMENTS 11 : Evolution des « travailleurs pauvres » en France
Questions :
1) Présenter les documents.
2) Quelles tendances révèlent-ils ?
DOCUMENTS 12 : Travailleurs pauvres et mal-logement
En CDI et SDF - Clip Fondation Abbé Pierre 2014 : https://www.youtube.com/watch?v=EC_NA2mkhWY
Questions :
1) Présenter mentalement les documents.
2) Quels constats dressent-ils quant à la relation logement-emploi ?
3) Pourquoi est-ce « paradoxal » quant à la « valeur travail » ?
Aspects sociaux : par l’intermédiaire des difficultés financières, la précarité de l’emploi peut détériorer la vie conjugale et les relations sociales (sentiment de culpabilité, malaise vis à vis des "autres", recul des sociabilités car coûteuses, ...).
Aspects socio-politiques, les précaires ne jouissent pas toujours d’une forte reconnaissance sociale, car ils servent « d’ajustement » sur le marché secondaire de l’emploi (sous-traitance, remplacements) et ils sont plus nombreux dans les secteurs où les tâches sont moins valorisées (entretien, logistique...). Ils sont moins bien intégrés au sein des collectifs de travail (dimension relationnelle).
2) Par ailleurs, quel que soit le statut d’emploi, les formes précaires du travail peuvent favoriser l'isolement des travailleurs.
L’individualisation des carrières et des rémunérations favorise la mise en concurrence des travailleurs et affaiblit la solidarité sur les lieux de travail.
On assiste à un éclatement des lieux de production avec l’essor de la sous-traitance, de l’économie des plateformes et de l’auto-entrepreneuriat. Les travailleurs ne sont plus regroupés au sein d’unités de production bien définies où ils se côtoient de façon régulière. Au contraire, les lieux de travail, la composition des équipes et les tâches à effectuer (polyvalence) changent.
Par ailleurs, le recours croissant au numérique (télétravail, informatisation des tâches...) réduit les contacts humains entre travailleurs et leurs liens sociaux.
Ces évolutions de l’organisation du travail rendent plus difficiles ou rares les échanges informels entre travailleurs (absence de repères fixes, éclatement des lieux de travail, équipes mouvantes), ce qui réduit la dimension relationnelle du travail.
3) Le sentiment d’insécurité sociale qui caractérise l'emploi atypique dans un contexte de chômage de masse et de concurrence accrue pour l’emploi renforce cette tendance, et peut être à l’origine de souffrance au travail.
Cette tendance touche particulièrement les travailleurs occupant les emplois atypiques qui occupent en général des emplois de moins bonne qualité (cf SP412) que les autres salariés ("polarisation de la qualité des emplois").
DOCUMENTS 13 : Travail et mal-être (Chiffres de 2013, INSEE)
Questions :
1) Que révèlent ces 2 documents ?
2) Comment expliquer ces constats ?
3) Pourquoi est-ce « paradoxal » quant à la « valeur travail » ?
Le chômage de masse multiplie mécaniquement le nombre de personnes exclues du travail rémunéré et crée une insécurité financière qui accroît le risque d’exclusion économique et sociale. De fait, la perte d’estime de soi induite par le chômage peut avoir des effets au-delà de la sphère du travail (expérience du chômage total) : par exemple, la privation totale ou partielle de travail remet fondamentalement en question le rapport à l’avenir (possibilité de fonder une famille, de recourir au crédit, etc.). La stigmatisation des chômeurs fragilise d’autant leur identité sociale et ceux-ci peuvent intérioriser une image négative d’eux-mêmes au cours de leur parcours de prise en charge par les services sociaux.
Sources utilisées :
http://media.eduscol.education.fr/file/SES/12/3/pol_emploi_+_couv_216123.pdf