SP2.2 : Ecole et inégalités
SOCIOLOGIE ET SCIENCE POLITIQUE
SP2 : ECOLE, DEMOCRATIE ET INEGALITES
SP2.2 : ECOLE ET INEGALITES
Questionnements |
Objectifs d’apprentissage |
Quelle est l’action de l’École sur les destins individuels et sur l’évolution de la société ? |
-Comprendre la multiplicité des facteurs d’inégalités de réussite scolaire (notamment, rôle de l’École*, rôle du capital culturel et des investissements familiaux, socialisation selon le genre*, effets des stratégies des ménages) dans la construction des trajectoires individuelles de formation SP221* + SP222
1 semaine (5 heures) |
SP221 : INEGALITES SCOLAIRES : le rôle de l’école et du genre
Comprendre la multiplicité des facteurs d’inégalités de réussite scolaire (notamment, rôle de l’École, rôle du capital culturel et des investissements familiaux, socialisation selon le genre, effets des stratégies des ménages) dans la construction des trajectoires individuelles de formation
2h
A) Comment les structures de l’école créent-elles des inégalités ?
Pour Pierre Bourdieu, les différences s'expliquent par le fait que les catégories sociales ne sont pas à égalité socialement face à l'école. Elles disposent de capitaux économique, social et culturel* en quantité et en qualité inégales qu'elles investissent dans les parcours scolaires de leurs enfants. Cette approche montre que l'école tend à valoriser les acquis des catégories supérieures qui sont capables de se mobiliser pour promouvoir à l’école les formes et contenus du capital culturel qu’elles maîtrisent le mieux. Les diplômes finissent donc par entériner les inégalités sociales.
Capital culturel* : désigne les ressources culturelles dont dispose un individu (capacités de langage, maîtrise d'outils artistiques, etc.), souvent attestées par des diplômes.
Capital social* : désigne l'ensemble des relations personnelles qu'un individu peut mobiliser dans le cadre de son activité sociale. Ce « réseau » est en partie "hérité" (relations familiales, par exemple).
DOCUMENT 11 : Culture du quartier contre-culture scolaire
Ces lycéens « de cité » - surtout des garçons - tendent à résister aux différentes entreprises d'acculturation scolaire dont ils sont l'objet. Par exemple, ils refusent souvent de se soumettre entièrement à l'imposition d'un mode de lecture cultivée en vigueur au lycée et n'hésitent pas à affirmer leur « quant à soi » culturel. La culture qu'ils ont envie de défendre, c'est celle qu'ils connaissent, celle de leur quartier et de leur famille, véhiculée notamment par les médias, la télévision, le cinéma américain, etc. Leurs « héros culturels » sont principalement des acteurs américains ou des chanteurs de rap ou de raï ; leurs « émissions cultes », des séries de télévision américaines, etc. Autant de choix qui inversent l'échelle des valeurs de la culture scolaire. Contre la lecture désintéressée et érudite, ils revendiquent un rapport à la lecture « utilitaire ».
Source : Stéphane BEAUD, 80% au bac... et après ? Les enfants de la démocratisation scolaire, La Découverte, 2003
Questions :
1) Présentez le document.
2) Décrivez les caractéristiques cultures des « lycéens de cité ».
3) Pourquoi cette culture n’est-elle pas celle de l’école ?
4) Quelles en sont les conséquences ?
Entre les murs
L'imparfait subjonctif : https://www.youtube.com/watch?v=FACNtax1MGw
Le compte rendu du conseil : https://www.youtube.com/watch?v=9LcrSwsjU7I
L’école « crée » donc des inégalités au détriment des enfants issus des catégories sociales qui la connaissent le moins bien par le choix des contenus qui valorise le capital culturel des classes dominantes, la complexité des choix d’options, d’orientations et de filières et en légitimant les inégalités scolaires par la distribution des diplômes les plus valorisés scolairement et professionnellement.
S’ajoutent aussi des « effets établissement » (la performance scolaire des établissements n’est pas égale partout) et des « effets enseignants » (certains professeurs intériorisent involontairement des exigences moindres pour les enfants des catégories scolairement fragiles).
B) Comment la socialisation selon le genre crée-t-elle des inégalités ?
La socialisation* est l'apprentissage des règles (normes et valeurs, anticipation de l’avenir) de la vie en société. C'est un processus d'acquisition des connaissances, des modèles, des valeurs, des symboles, bref les "manières de faire, de penser et de sentir" propres aux groupes et à la société où l'individu est appelé à vivre. C'est aussi un processus d'intériorisation par chacun des valeurs et des normes du groupe et de la société dont il est membre.
La socialisation débute dès la naissance, se poursuit toute la vie. Sans aucun doute, la petite enfance est-elle la période la plus intense de socialisation qui se prolonge jusqu'à l'adolescence, propice à la mise en question et à l’autonomie de l’identité individuelle. Une fois passée cette période intense de socialisation, l'adulte poursuit encore sa socialisation tout le reste de sa vie : premier emploi, mariage, naissance du premier enfant, changement d'emploi, promotion, déménagement… Les sociologues distinguent la socialisation primaire (celle qui est propre à l'enfance et à l’adolescence) et la socialisation secondaire (celle qui se prolonge tout au long de l'existence).
Les instances de socialisation désignent les institutions qui ont pour fonction principale ou secondaire de permettre la socialisation. Dans le cadre de la socialisation primaire, ce sont la famille, l'école, les médias et les pairs qui jouent le rôle moteur.
Néanmoins, si ces instances jouent le même rôle fondamental dans le processus de socialisation, les formes de cette socialisation ne sont pas indifférentes au statut particulier que la personne socialisée sera amenée à occuper dans la société. Elles sont « socialement situées ». On parle socialisation différentielle. Dans cette section du cours, nous illustrerons cette notion à travers 2 exemples : la socialisation selon le sexe et la socialisation selon l’origine sociale.
L'origine sociale désigne le groupe social d’appartenance d’un individu, en général déterminé par le milieu social des parents (leurs revenus, leurs métiers, leur mode de vie, leurs niveaux de culture, leurs relations sociales, …). Les individus reçoivent des socialisations différentes selon le groupe d'appartenance des parents. Ces différences de pratiques sociales sont transmises aux enfants de ces groupes, ce qui peut engendrer des inégalités sociales et notamment scolaires (capital culturel*).
Les stéréotypes liés au sexe, s'ils sont descriptifs, sont également prescriptifs, ce qui signifie qu'ils indiquent comment les individus devraient se comporter. En cela, ils fonctionnent comme des normes. Ils nous informent sur ce qui est approprié et désirable pour chaque sexe : quels traits, comportements, intérêts ou professions conviennent aux hommes et aux femmes. L'apprentissage et la conformité à ces stéréotypes seraient dus à une socialisation différenciée qui s'applique aux enfants dès leur naissance et les guide peu à peu vers les rôles dévolus à leur genre.
Top 8 des jouets les plus sexistes (version filles) :
https://www.youtube.com/watch?v=iOzmwwXEB6c
Les parents traitent leurs enfants différemment selon qu'ils sont garçons ou filles. Comme ce traitement différencié commence tôt et est acquis très rapidement par l'enfant, il est naturalisé : les différences sont comprises comme innées, biologiques, alors que de nombreux mécanismes psychologiques d'apprentissage peuvent les expliquer.
Il a des répercussions tout au long de la vie : choix des loisirs, choix des études, choix des filières professionnelles, goûts, choix du conjoint, vie familiale et domestique, …
DOCUMENTS 12 : Filles et garçons à l’école, des parcours différenciés
Questions :
1) Présentez mentalement les documents.
2) A l’aide des données des documents, monterez que les choix d’orientation sont socialement influencés par le genre.
3) Comment expliquez cette influence ?
Filles et garçons continuent à se conformer à ce qui est présenté comme leur domaine respectif de compétence dans les schémas socioprofessionnels fortement stéréotypés. Cette persistance des choix sexués est autant le fait des garçons que des filles. Par exemple : quand ils se jugent très bons en mathématiques, huit garçons sur dix vont en filière scientifique ; quand elles se jugent très bonnes en mathématiques, six filles sur dix vont en filière scientifiques scolaires. (« Égalité des filles et des garçons », EN, education.gouv).
SP222 : INEGALITES SCOLAIRES : le rôle des stratégies familiales
Comprendre la multiplicité des facteurs d’inégalités de réussite scolaire (notamment, rôle de l’École, rôle du capital culturel et des investissements familiaux, socialisation selon le genre, effets des stratégies des ménages) dans la construction des trajectoires individuelles de formation
3h
A) Comment le capital culturel et les investissements familiaux créent-ils des inégalités ?
=> La famille contribue à la transmission et au maintien des statuts. C’est notamment le cas dans les classes supérieures. Cette transmission se réalise à l'école mais au-delà puisque la famille, par la socialisation transmet aussi des savoir-être que les « héritiers » pourront valoriser dans leurs relations sociales et notamment dans le cadre professionnel.
Une éducation socialement différenciée :
Baisemains et mocassins - Montage 1 - vidéo Dailymotion
Socialisation et reproduction sociale : les rallyes mondains - YouTube
En socialisant les enfants selon les normes et valeurs qu'elles portent, ces familles contribuent à reproduire chez les enfants les références qui structurent le statut de la famille. En ce sens, la socialisation familiale contribue à la reproduction sociale : la culture des classes dominantes selon Bourdieu est favorisée dans ces classes, car sources de "distinction" mais aussi de reconnaissance dans la classe. Dans les milieux favorisés, on cherche "l'entre-soi" dans le choix du lieu d'habitation, la pratique des loisirs ou les établissements scolaires.
Les enfants sont donc des « héritiers », notamment qui prend sens au niveau des capitaux économiques (transmission des patrimoines), sociaux (transmission des relations sociales et des habitus qui les structurent) et culturel (transmission des savoirs, savoir-être et savoir-vivre du groupe d’appartenance).
Auteuil, Neuilly, Passy :
https://www.youtube.com/watch?v=L1N3WXZ_1LM
Les familles se mobilisent pour la réussite scolaire de leurs enfants. L’engagement du capital économique peut être considérer comme un investissement : soutien scolaire, stages de perfectionnement, domiciliation dans un quartier réputé, écoles privées, … Le capital social peut-être mobilisé pour pistonner une inscription, s’informer, trouver un stage rémunéré ou scolairement porteur, promouvoir des fréquentations mobilisables scolairement, engagement associatif … Le capital culturel est valorisé en parallèle de la réussite scolaire : vacances culturelles, fréquentation de lieux culturels, maîtrise du langage, loisirs, …
=> Si ces stratégies sont particulièrement présentes dans les classes supérieures ou « bourgeoises », on retrouve des stratégies familiales de promotion sociale par l’école dans les classes moyennes.
Une stratégie d'ascension sociale peut ainsi se dérouler dans le cadre culturel, par exemple quand une famille éduque ses enfants relativement à des valeurs qui sont celles des catégories sociales supérieures qu'elle vise. Ici, par le capital culturel et social que les familles transmettent, elles cherchent à anticiper la culture des groupes sociaux de référence auxquels elles voudraient que ses enfants adhèrent. Par exemple, on peut placer son enfant dans un établissement scolaire socialement favorisé ; on peut favoriser des pratiques sportives ou culturelles qui vont permettre de développer des relations sociales choisies ...
Le groupe de référence est le groupe auquel l'individu souhaite appartenir et sur lequel il aligne donc subjectivement son rôle.
Il s'agit alors d'une socialisation anticipatrice : lorsqu'un individu acquiert par avance les normes d'un groupe de référence qu'il aspire à rejoindre.
On peut alors parler d'acculturation puisqu'il s'agit d'acquérir à autre cadre culturel que celui d'origine.
Extrait West Side Story 2 - vidéo Dailymotion
Chics mais pas trop - vidéo Dailymotion
Ensuite, la famille peut jouer un rôle actif dans la mobilité sociale en s'organisant pour la promotion de ses enfants : dans certaines familles d'origine modeste, les enfants de certaines familles peuvent connaître une réussite scolaire nettement supérieure à la réussite moyenne des enfants des familles similaires. Quand on cherche à expliquer ce différentiel de réussite, on trouve toujours une responsabilité particulière de la famille (volonté forte de s'intégrer à la société française pour les familles d'origine étrangère, volonté forte que les enfants ne connaissent pas des conditions aussi difficiles que leurs parents, etc…) qui se traduit en particulier par une grande attention aux résultats scolaires.
DOCUMENT 13 : Profession envisagée par les garçons en fonction de celle de leur père (en %)
Profession envisagée par les garçons de 15 ans vivant en France |
Profession du père |
||||
Profession intellectuelle scientifique ou de direction |
Profession intermédiaire |
Employé administratif ou personnel de service |
Agriculteur ou artisan |
Ouvriers |
|
Profession intellectuelle scientifique ou de direction |
59 |
39 |
36 |
29 |
21 |
Profession intermédiaire |
23 |
35 |
22 |
21 |
21 |
Employé administratif ou personnel de service |
8 |
8 |
18 |
12 |
13 |
Agriculteur ou artisan |
10 |
16 |
21 |
36 |
40 |
Ouvriers |
0 |
2 |
4 |
1 |
4 |
Ensemble des répondants (1) |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
Non réponse |
35 |
34 |
36 |
31 |
27 |
Champ : ensemble des jeunes garçons de 15 ans.
Source : Enquête PISA, OCDE, 2000.
Lecture : parmi les garçons dont le père exerce une profession intellectuelle, scientifique ou de direction, 35 % n'ont pas donné de réponse exploitable à la question sur le projet professionnel. Parmi les autres, 59 % envisagent de faire un métier intellectuel, scientifique ou de direction, 23 % une profession intermédiaire.
(1) Dans la mesure où les chiffres sont arrondis, il est possible que le total en colonne ne soit pas égal à 100.
Questions :
1) Présentez le document.
2) Que veulent faire les garçons dont le père exerce une profession intellectuelle, scientifique ou de direction ?
3) Que veulent faire les garçons dont le père exerce une profession d’ouvrier ?
4) Comment expliquer ces différences ?
Le rôle de la famille dans l'explication des inégalités scolaires ...
https://www.youtube.com/watch?v=-3FF3wNRYqM
B) Comment les stratégies des ménages contribuent-ils aux inégalités scolaires ?
« Les effets » => Les « conséquences »
Reformulation : quelles sont les conséquences de ces stratégies familiales sur la réussite scolaire des enfants ? En quoi ces stratégies remettent-elles en cause les principes méritocratiques de l’école française ?
L'une des conséquences les plus symboliques des limites de la démocratisation scolaire réside dans la sous-représentation des enfants issus des classes populaires et la sur-representation des enfants des classes supérieures dans les filières d'excellence , ce qui nuance voire remet en cause le caractère véritablement méritocratique de l’école dans ses structures.
DOCUMENTS 14 : Le poids de l’origine sociale dans le parcours scolaire des enfants
Source : le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités.
https://www.orientation-education.com/article/seulement-1-etudiant-sur-10-est-enfant-d-ouvrier
Questions :
1) Présentez mentalement les documents.
2) A l’aide des données, repérez l’impact de l’origine sociale aux différents stades de la scolarité.
3) Comment évolue cet impact ?
Inversement, on constate une sur-représentation des enfants issus des classes populaires dans les filières les moins valorisées scolairement et professionnellement.
DOCUMENT 15 : Une surreprésentation des enfants des classes populaires dans les filières dévalorisées à l’école
Diplôme des sortants d'études initiales selon l'origine sociale en 2015
Champ : France hors Mayotte.
Source : Insee, enquêtes Emploi .https://www.insee.fr/fr/statistiques/2850737
Questions :
1) Présentez mentalement les documents.
2) A l’aide des données, justifiez le titre du document 14.