P1-2. Voter, un acte individuel ou collectif ?
SCIENCE POLITIQUE
P1 : L’OPINION PUBLIQUE ET LE VOTE
P1-2. VOTER, ACTE INDIVIDUEL ET COLLECTIF
Ce que dit le programme :
- Être capable d’interpréter des taux d’inscription sur les listes électorales, des taux de participation et d’abstention aux élections. - Comprendre que la participation électorale est liée à divers facteurs inégalement partagés au sein de la population (degré d’intégration sociale, intérêt pour la politique, sentiment de compétence politique) et de variables contextuelles (perception des enjeux de l’élection, types d’élection). P1-2-1
- Comprendre que le vote est à la fois un acte individuel (expression de préférences en fonction d’un contexte et d’une offre électorale) et un acte collectif (expression d’appartenances sociales). - Comprendre que la volatilité électorale revêt des formes variées (intermittence du vote, changement des préférences électorales) et qu’elle peut refléter un affaiblissement ou une recomposition du poids de certaines variables sociales, un déclin de l’identification politique (clivage gauche/droite notamment) et un renforcement du poids des variables contextuelles. P1-2-2
1 semaine (4 heures) |
P1-2-1. LA PARTICIPATION ELECTORALE
- Être capable d’interpréter des taux d’inscription sur les listes électorales, des taux de participation et d’abstention aux élections (A).
- Comprendre que la participation électorale est liée à divers facteurs inégalement partagés au sein de la population (degré d’intégration sociale, intérêt pour la politique, sentiment de compétence politique) et de variables contextuelles (perception des enjeux de l’élection, types d’élection).(B)
A) Comment interpréter les taux d'inscription, les taux de participation et d'abstention aux élections ?
METHODE : Définir les notions + comprendre ce qu'elles signifient
L’article 3 de la Constitution de 1958 dispose que « sont électeurs tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». Le droit de vote est étendu aux citoyens de l’Union européenne pour les élections locales et européennes (traité de Maastricht, 1992). Mais pour participer aux élections, encore faut-il être inscrit sur la liste électorale de sa commune de résidence.
Le taux d’inscription* mesure la part d’une population en âge de voter qui s’est inscrite sur les listes électorales (nombre d’inscrits/nombre de personnes en âge de voter).
95% des Français en âge de voter lors de l'élection présidentielle sont inscrits sur les listes électorales avec 48,7 millions d'inscrits au 9 mars 2022 (la date limite d'inscription était fixée au 4 mars). Ces chiffres sont issus du répertoire électoral unique mis en place depuis le 1er janvier 2019.
De plus, les inscrits ne se déplacent pas toujours pour voter. L’abstention* se distingue de la non-inscription sur les listes électorales et du vote blanc et nul. Elle désigne le comportement consistant pour un inscrit à ne pas participer à une élection.
Le taux de participation* mesure la part des inscrits qui sont allés voter lors d’un scrutin (nombre d’inscrits ayant voté à une élection/nombre d’inscrits sur les listes). Le taux d’abstention* mesure la part des inscrits qui ne se sont pas déplacés au bureau de vote le jour de l’élection (nombre d’abstentionnistes/nombre d’inscrits sur les listes ; ou 100 - taux de participation).
Le taux d’abstention, qui tend à croître en France, est un indicateur du niveau de représentation politique dans une démocratie. Ainsi, seuls 74,6 % des électeurs sont allés voter au second tour de l’élection présidentielle de 2017. Avec 25,4 % d’abstention, c’est le taux le plus élevé du second tour d’une élection présidentielle depuis la victoire de Georges Pompidou en 1969. Quelques semaines plus tard, jamais des élections législatives n’ont attiré si peu d’électeurs, avec une participation de 42,64 % des inscrits.
Document 1 : L'abstention aux élections présidentielles
L’abstention est un comportement électoral qui se développe dans toutes les démocraties occidentales, sauf celles qui ont rendu le vote obligatoire (Belgique ou Autriche par exemple). En France, si on ajoute les abstentionnistes systématiques (aux alentours de 12 % du corps électoral) et les personnes non inscrites, c’est environ deux citoyens français susceptibles d’être électeurs sur dix qui restent à l’écart du vote. C’est donc surtout la part des abstentionnistes intermittents qui s’est accrue au fil du temps.
À distinguer de ce « non vote », les bulletins blancs ou nuls expriment plutôt des formes de « non choix ». Le vote blanc consiste à glisser un bulletin blanc dans une enveloppe. C’est un vote où l’on ne se prononce pas pour l’un des candidats en lice. Le vote nul consiste à glisser dans l’enveloppe du vote un bulletin non conforme (griffonné ou raturé) ou plusieurs bulletins de différents candidats ensemble.
On observe en France une progression de cette forme de participation.
Ils ont fait l'effort de se rendre aux urnes, mais n'ont voté pour personne. Trois millions d'électeurs ont glissé un bulletin blanc ou nul au second tour de la présidentielle, dimanche 24 avril, soit 6,19% des inscrits et 8,6% des votants, selon les résultats communiqués par le ministère de l'Intérieur. Si l'on y additionne le nombre d'abstentionnistes, ce sont 16,7 millions de Français, soit un tiers du corps électoral, qui ont refusé le choix qui leur était proposé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
Extraits de Eduscol, programme de SES, 1ère de spécialité, 2018
Questions :
1) Relevez dans ce texte toutes les données de la présidentielle de 2017.
2) Quelles tendances soulignent ces données ?
3) Quels problèmes cela pose-t-il ?
RESULTATS 2ND TOUR PRESIDENTIELLES DE 2022
Macron 18 768 639 voix sur 48 752 339 inscrits soit 38,5% des inscrits
(37% de la population en âge de voter)
B) Quels sont les différents facteurs de la participation électorale ?
METHODE : facteurs => causes, origines, déterminants
Questionner ses facteurs, c'est réfléchir aux causes de l'abstention
Pourquoi l’abstention ?
Les causes de l’abstention sont nombreuses et non exclusives, mais relèvent principalement de trois grands types d’explication.
Premièrement, elle exprime un déficit d’intégration sociale. La participation électorale apparait au total comme une dimension secondaire de la participation sociale. En effet, on peut souligner la forte corrélation entre le degré de précarité et le comportement abstentionniste. L’exclusion sociale entretient un sentiment d’éloignement et de distance par rapport au champ politique et nourrit un abstentionnisme structurel lié aux prédispositions sociologiques des individus. L’abstention peut être appréhendée comme la manifestation d’un sentiment d’incompétence à comprendre les débats et enjeux des élections.
Source fodapol.org
Deuxièmement, l’abstention peut au contraire revêtir les formes d’un acte motivé. Cet abstentionnisme politique concerne des électeurs intéressés par les élections, qui ont un intérêt pour la politique et souvent proches d’un parti. Il exprime une protestation à l’encontre de la classe politique, une sanction pour les candidats ou un refus de choisir entre eux. Il entend peser sur les résultats de l’élection, envoyer un signe fort à l’ensemble de la classe politique et ainsi influer sur ce que les candidats peuvent proposer.
https://www.youtube.com/watch?v=CLfaZw2Q8Uc
https://www.youtube.com/watch?v=-MNsDS_OXFs
Troisièmement, l’abstention tient aussi à des variables plus contextuelles, comme le degré d’importance attribué à une élection (selon le type de l’élection locale ou nationale), la concurrence plus ou moins forte entre les partis politiques en compétition, l’enjeu plus ou moins complexe d’un scrutin, la multiplication ou l’absence récente de consultations électorales, le mode de scrutin (proportionnel ou majoritaire), etc.
Profil des abstentionnistes et sociologie des électorats
jeunes, ouvriers... Visualisez le profil des abstentionnistes du second tour
P1-2-2. LES DETERMINANTS DU VOTE
Comprendre que le vote est à la fois un acte individuel (expression de préférences en fonction d’un contexte et d’une offre électorale) et un acte collectif (expression d’appartenances sociales).(A)
Comprendre que la volatilité électorale revêt des formes variées (intermittence du vote, changement des préférences électorales) et qu’elle peut refléter un affaiblissement ou une recomposition du poids de certaines variables sociales, un déclin de l’identification politique (clivage gauche/droite notamment) et un renforcement du poids des variables contextuelles. (B)
A) Pourquoi le vote est-il un acte individuel et collectif ?
=> un acte individuel
La science politique s’intéresse aux motivations individuelles du vote et aux effets de contexte. Elle considère l’hypothèse d’un électeur rationnel, qui voterait pour le parti lui offrant le plus d’avantages personnels et le moins de désagréments. Cette approche accorde une place importante aux stratégies de rationalité limitée conduisant les électeurs à voter en fonction de l’information la plus facilement accessible ou la moins coûteuse socialement.
Dans cette approche, la décision d’aller voter chez un acteur rationnel doit reposer sur un calcul d’utilité. La rétribution (avantages attendus du vote) dépend de trois paramètres : le bénéfice attendu, la probabilité que son bulletin fasse la différence et les coûts de participation, c’est-à-dire s’inscrire, se déplacer, s’informer. Il résulte de cette approche un paradoxe du vote : personne ne devrait aller voter car la probabilité d’agir sur le résultat final d’une élection est dérisoire par rapport aux coûts de participation ; et pourtant des millions d’électeurs se rendent aux urnes.
Plus généralement, cette approche méthodologiquement individualiste (l'individu se détermine uniquement que relativement à sa situation personnelle) peine à expliquer l'engagement politique et le vote :
Selon les coûts qu’il subit et les avantages espérés, l’individu peut faire plusieurs choix :
- Les coûts sont supérieurs aux gains espérés : l’individu s’abstient de participer à l’action collective.
- Les coûts sont inférieurs aux gains espérés : on peut s’attendre à ce que l’individu s’engage.
Le paradoxe de l’action collective est le suivant : même si les gains espérés sont supérieurs aux coûts et même si l’individu adhère aux revendications de l’action collective, il peut s’abstenir.
Il peut opter alors pour une position de « passager clandestin » : comme les gains obtenus par l’action collective seront distribués à tous et notamment aux non participants, il est avantageux de ne pas s’engager pour obtenir le plus d’avantages pour le moins de risques encourus. Paradoxalement, Le calcul rationnel ne conduit pas à défendre les intérêts du groupe. Ce paradoxe a aussi un sens collectif : un groupe ayant avantage à se mobiliser et en ayant conscience peut parfaitement ne rien faire.
On est tous le passager clandestin de quelqu'un !
https://www.youtube.com/watch?v=I-_lE1HPUX4
Le paradoxe de l’action collective peut-être énoncé ainsi : personne n’a donc individuellement intérêt à agir, alors que tous y ont, collectivement, intérêt.
Ces limites expliquent pourquoi le vote et l'engagement politique ne peuvent être étudier que du strict point de vue individuel : il y a une dimension sociale et collective dans la participation des citoyens à la vie politique.
=> un acte collectif
Pour dépasser ce paradoxe, la science politique s’est très tôt penchée sur l’analyse des déterminants du vote. Les orientations électorales apparaissent largement prédéterminées par les caractéristiques sociales des individus ; un indice de prédisposition politique (IPP) combinant le statut social, la religion et le lieu de résidence, permet de prédire les choix politiques avec beaucoup de précision. Les auteurs en tirent un modèle explicatif du vote, résumé par l’adage « un individu pense politiquement comme il est socialement ».
https://www.jean-jaures.org/publication/macron-le-pen-deux-france-face-a-face/
quel est le profil des électeurs d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen ?
Reports des voix, âge, revenus : la sociologie du vote au second tour
Macron-Le Pen : deux France face à face (entre 2 tours 2022)
Le choix électoral, prédéterminé par l’appartenance sociale, résulte de la mise en conformité du vote avec les normes du groupe et procède plus d’une logique collective que d’une décision individuelle : des structures économiques et sociales composent l’environnement politique des électeurs depuis leur enfance ; famille et activité, lieu de résidence, appartenance religieuse, groupe ethnique n’influencent pas directement le vote, mais façonnent les identités et les valeurs des individus ; ces structures fondent une attirance pour un parti et construisent sur le temps long une identification partisane. Il s’agit d’un attachement affectif durable à un parti, transmis par les parents, entretenu par le milieu professionnel et qui se renforce avec l’âge.
B) Quelles sont les formes et les interprétations de la volatilité électorale ?
Comprendre que la volatilité électorale revêt des formes variées (intermittence du vote, changement des préférences électorales) et qu’elle peut refléter un affaiblissement ou une recomposition du poids de certaines variables sociales, un déclin de l’identification politique (clivage gauche/droite notamment) et un renforcement du poids des variables contextuelles.
METHODE : 3 points à voir
- définir "volatilité électorale"
- quelles en sont les formes ? => sous quels aspects se manifeste-t-elle ?
- quelles en sont les interprétations => que peut-elle signifier ?
La volatilité électorale* (ou mobilité électorale) peut se définir comme un comportement peu fidèle au vote partisan, autorisant des changements de camp politique ou alternant entre vote et abstention.
Il faut distinguer volatilité et abstentionnisme.
Si la volatilité électorale (encore appelée mobilité électorale) n’est pas un phénomène nouveau, l’intensité des alternances politiques depuis les années quatre‑vingt en France suscite l’interrogation : les électeurs et électrices deviennent‑ils de moins en moins fidèles aux partis ?
Quelles sont les formes cette volatilité ?
Cette hésitation de l’électeur contemporain, individualiste et informé, prend des formes multiples.
L’indécision pendant une campagne électorale
La mobilité électorale est devenue le phénomène central de toute élection. En effet, une part grandissante d’électeurs franchissent allégrement la barrière séparant la gauche de la droite. Les candidats de ces deux bords politiques drainent de moins en moins d’électeurs, et la mobilité reste l’enjeu déterminant tout au long d’une campagne électorale. Lors de la présidentielle de 2012, le panel réalisé par ipsos pour le Centre d’Études sur la Vie Politique Française (CEVIPOF, Panel électoral français 2012) ainsi montré que 51% des électeurs avaient changé au moins une fois d’avis au cours des six derniers mois de la campagne : soit ils avaient envisagé de ne plus voter alors qu’ils pensaient le faire, soit ils avaient décidé d’aller voter après avoir voulu s’abstenir, soit ils avaient changé de candidat.
Source : Brice Teinturier, vie-publique.fr, 14/08/2018.
L’intermittence du vote
Le vote intermittent consiste à passer d’un vote actif à l’abstention, soit une tendance à aller plus loin dans le désengagement politique. Au cours des quatre derniers scrutins nationaux, la part du vote intermittent est passée de 40% à 50% des inscrits.
Le changement des préférences électorales
Récemment en France, les électeurs ont successivement voté pour des candidats de centre droit aux élections municipales, exprimé un vote de conviction fragmenté au premier tour de la présidentielle et un « vote utile » au second tour, choisi l’abstention par rejet des institutions et voté largement « hors-système » et écologiste aux européennes.
Comment peut-on expliquer cette volatilité ?
Le « vote de classe » semble s’éroder, et tout particulièrement la relation qui unit les ouvriers à la gauche. Depuis les années quatre‑vingt, ceux‑ci s’éloignent de la gauche pour se rapprocher de la droite et, de plus en plus, de l’extrême droite. Cette volatilité est liée à une plus faible identification à la classe ouvrière, et aux difficultés rencontrées sur le marché du travail.
Evolution du vote des ouvriers en faveur du candidat Front national au premier tour de la présidentielle
(*) Jean-Marie Le Pen candidat ; Sources : Cevipof et Ifop.
La volatilité électorale peut aussi être interprétée comme signe d’un électorat de plus en plus diplômé, moins prisonnier de ses appartenances sociales, capable d’utiliser son vote comme une arme stratégique ou selon les circonstances.
Intentions de vote au 1er tour de l’élection présidentielle.
Vote d’adhésion |
Vote par défaut |
|
Ensemble des électeurs d’Emmanuel Macron |
48 % |
52 % |
Électeurs d’Emmanuel Macron sympathisants du parti socialiste |
43 % |
57 % |
Électeurs d’Emmanuel Macron sympathisants de La République en marche |
78 % |
22 % |
Électeurs d’Emmanuel Macron sympathisants des Républicains |
19 % |
81 % |
Électeurs d’Emmanuel Macron sympathisants du Front national |
38 % |
62 % |
Sources :
http://ses.ac-besancon.fr/wp-content/uploads/sites/35/2019/12/RA19_Lycee_G_SPE_SES_voter_1189625.pdf
https://www.lelivrescolaire.fr/page/7177675?
https://www.melchior.fr/cours/complet/question-4-comment-comprendre-la-volatilite-electorale
https://cdn.statcdn.com/Infographic/images/normal/9052.jpeg